Conversations

Lison DANIEL

Enfant du Cercle

Révélée sur instagram où elle a inventé une galerie de personnages variés et attachants, Lison Daniel poursuit l'aventure chaque mercredi sur France Inter et a compilé ses sketchs dans un livre paru en 2022*. Itinéraire d'une enfant du cercle à l'humour ravageur et à la plume affutée.

Tu t'es fait connaître grâce à ton compte Instagram, Les Caractères, peux-tu nous dire un mot de ton parcours ?

J'ai toujours su que je voulais écrire et jouer la comédie mais le parcours a été difficile. Les Caractères sont nés en 2017 après mon échec au dernier tour de la Fémis. Avec ma cousine Laura, installée à l'etranger, on a commencé à s'envoyer des vidéos de personnages que l'on créait avec les nouveaux filtres proposés par Instagram. J'ai eu rapidement l'idée de les rassembler sur un compte et d'appeler cette galerie de personnages "Les Caractères" inspirée par La Bruyère et aussi par le mot "character" qui veut dire personnage en anglais. Le succès n'a pas été immédiat mais à partir de 2020, le compte est devenu très populaire et ça m'a enfin ouvert les portes des milieux dans lesquels je voulais travailler.

Comment imagines-tu ces personnages ? Sont-ils inspirés par des gens que tu connais ?

Non, aucun personnage n'est inspiré d'une personne réelle. Ce sont plutôt des espèces d'archétypes. Au quotidien j'aime beaucoup écouter les gens, les observer et ça me permet d'imaginer ces personnages un peu génériques comme celui de la bourgeoise, de l'esthéticienne ou du caviste qui sont une synthèse de tout ce que j'ai pu réunir comme traits de caractère ou comme jargon. Pour Julien, l'entrepreneur marseillais qui a une nouvelle idée de business chaque jour et qui aime en parler au sauna, j'avoue que j'ai peut-être été inspirée par le Cercle (rires) ! Pas par une personne en particulier mais par l'ambiance assez unique qu'on ressent quand on fréquente le sauna. J'aime toujours écouter ou participer à ces conversations sérieuses qui se tiennent tandis qu'on se délasse en maillot ! Le contraste est très amusant.

« Pour Julien, l'entrepreneur marseillais qui a une nouvelle idée de business chaque jour et qui aime en parler au sauna, j'avoue que j'ai peut-être été inspirée par le Cercle ! »

À Marseille, tu as aussi imaginé le personnage de Mélanie. Qui est-elle ?

Mélanie c'est l'archétype de la fille du Sud, un peu sanguine qui à tendance à s'énerver très vite. C'est inspiré des adolescentes en colère que j'ai pu croiser plus jeune au collège ou au lycée et qui m'ont toujours intrigué et fait rire !

On pourrait la croiser au Cercle ?

Bonne question ! Je ne pense pas que Mélanie soit membre du Cercle mais ça peut lui arriver de venir y passer l'après-midi invitée par une copine. Julien, lui, pourrait être membre du Cercle. Mais il ne viendrait pas régulièrement nager ! Il ferait plutôt partie de la team farniente et partie de cartes !

Et toi, tu es membre depuis quelle année ?

Je suis inscrite depuis 1995. J'avais 3 ans !

Quels souvenirs en gardes-tu ?

Je me souviens du maillot jaune avec bouée integrée avec lequel j'ai appris à nager dans le bassin Alezard et de l'échelle du bord de mer de laquelle j'aimais sauter avec mes frères. Et je me souviens surtout du chemin à parcourir depuis l'entrée du Cercle jusqu'à la cabine pour se mettre en maillot ! Il me paraissait interminable car mes parents s'arrêtaient régulièrement pour saluer des amis. C'était très frustrant car moi je n'avais qu'une seule idée en tête : aller me baigner dans le petit bassin. Aujourd'hui, c'est à mon tour de m'arrêter tous les deux mètres et de faire patienter mon mari et ma fille de deux ans. C'est une tradition du Cercle !

Tu vis maintenant à Paris mais tu as conservé ton abonnement. Pour quelles raisons ?

En réalité, c'est en déménageant à Paris que j'ai réalisé le caractère exceptionnel du Cercle. Quand on est petit, on ne se rend pas compte combien avoir trois bassins, dont un bassin olympique, peu fréquentés et une mise à l'eau merveilleuse en plein centre de Marseille est quelque chose de rare. On s'en rend compte quand on grandit et aussi quand on n'habite plus là ! Dès que je reviens à Marseille, c'est un passage obligé. Cet été, j'ai été très émue de voir ma fille jouer dans le petit bassin dans lequel j'ai passé tant de temps il y a 30 ans.

Aujourd'hui, à côté des Caractères, tu es aussi auteure pour la télévision et le cinéma. Qu'est-ce-qui te plait dans l'exercice ?

C'est un peu la continuité de mon travail avec les Caractères. Ça me demande d'observer le monde, de le retranscrire, de faire rire ou réfléchir. Mais à côté du temps très rapide d'Instagram, j'aime le temps long de l'écriture et le travail intellectuel que ça requiert. J'aime cet état de concentration, d'isolement dans lequel il me plonge pendant plusieurs mois avant que tout ce que j'ai imaginé soit porté à l'écran. Le travail d'auteur est extrêmement méticuleux et long. Avant d'avoir un projet abouti, on explore beaucoup d'options, on essaie, on abandonne, on ouvre d'autres portes et c'est quelque chose de très stimulant. En ce moment, je suis plongée dans l'écriture du scénario de l'adaptation de Dix pour cent au cinéma, aux côtés de Fanny Herrero dont le tournage devrait se dérouler début 2024. Un projet très excitant ! .