
Thomas VERNOUX & Romain MARION-VERNOUX
Une affaire de famille
Qui de vous deux a découvert le water-polo en premier ?
Romain : On l'a vraiment découvert en même temps grâce à notre oncle, Yann Vernoux, qui a joué dans l'équipe de water-polo du CNM jusqu'en 2012 et qui est désormais entraîneur de l'équipe junior. Thomas avait 7 ans, moi 9. Ça a commencé en allant voir des matchs auxquels il participait et on a tout de suite accroché. Avant ça j'avais essayé le judo et on avait testé ensemble le rugby et le tennis. On aime bien les sports collectifs.
Thomas : Avec le water-polo ça a pris direct car contrairement aux autres sports qu'on avait pu pratiquer, c'est le seul sport qui demandait tout de suite beaucoup d'investissement. À raison de 4 ou 5 entraînements par semaine, c'est rapidement devenu sérieux. On a commencé très vite les compétitions et les choses se sont enchaînées.
Les filles de Yann, Ema et Lily, pratiquent aussi le water-polo à Nice. Qu'est-ce qui explique cette passion familiale pour ce sport et le haut-niveau ?
R : Peut-être l'esprit de gagne ! On aime tous les sports collectifs et les valeurs du sport en général : le dépassement de soi et l'entraide.
T : Oui c'est vrai qu'il y a cet esprit là dans la famille. Peu importe le sujet dont on parle, tout le monde veut être le meilleur. C'est important pour nous, à chaque fois, d'aller au bout de ses projets. On n'a pas toujours pour objectif de gagner mais on a cette envie commune d'accomplir des choses.
Qu'est-ce que ça vous apporte de jouer ensemble tous les deux ?
T : On évolue dans les mêmes équipes depuis les débuts donc ça a forcément crée une connexion très particulière entre nous.
R : Avec Thomas, on a toujours été proches depuis tout petits, que ça soit dans nos vies personnelles ou dans le sport. On se connait et on se comprend très bien, ce qui nous permet d'être connectés lorsque l'on joue. Cette complicité nous permet aussi de nous pousser chacun dans nos performances.
Existe-t-il une rivalité entre vous ?
R : De rivalité directe non ! Après bien sûr, on se challenge. Sans qu'il y ait de combat frontal, on se pousse chacun dans nos performances.
T : On se tire tous les deux vers le haut. On a toujours un regard sur ce que l'autre fait.
Et vous arrive-t-il d'envier quelque chose à l'autre ?
R : Oui ! Je lui envie parfois son physique.
T : Je ne lui envie rien. Je suis parfait (rires) !
Je suis sûre que Yann pense la même chose ! Quelle relation avez-vous avec lui au quotidien ?
T : Il suit notre parcours évidemment. On a pris un peu son relais donc il a un regard sur notre évolution au sein du club. Mais au quotidien il ne nous donne pas de conseils spécifiques. Il est plutôt là pour nous soutenir.
Comment avez-vous vécu la saison qui vient s'achever avec le club ?
T : La saison a été compliquée. Nous avons certes décroché un nouveau titre de Champions de France dont nous sommes fiers mais nous sommes encore passés à côté du trophée européen. Gagner la Ligue des Champions est un objectif qu'on souhaite atteindre depuis plusieurs années. Malheureusement cette saison nous n'avons même pas réussi à être dans les 8 derniers pour jouer les phases finales... Ça a été une grosse désillusion qui nous a tous beaucoup déçus.

Que s'est-il passé ?
T : On a analysé les choses pour comprendre ce qui pouvait expliquer ces mauvais résultats. On s'est notamment rendus compte qu'avec le Covid, le calendrier de la Ligue des Champions a changé avec des matchs plus rapprochés. On avait pris certaines habitudes d'entraînements qu'on a dû modifier pour s'adapter. Et heureusement, ces changements ont payé rapidement. On s'est relancés en fin de saison et on compte bien aller chercher le trophée cette année.
R : C'est un mélange de plein de choses mais en effet, on a changé notre façon de s'entraîner et malgré les mauvais résultats, on n'a pas baissé les bras et le public a continué de nous pousser. Ça nous a permis d'avoir une belle fin de saison avec un état d'esprit plus conquérant.
T : En mai, il y a eu notamment un match marquant où on devait gagner Dubrovnik de 6 buts pour espérer jouer les finales de la Ligue. C'était quasiment impossible mais on a presque réussi. Le match s'est terminé à 15-11. On y a cru vraiment jusqu'au bout, soutenus par un super public qui ne nous a pas lâchés. Ce jour là, on a vraiment senti qu'on retrouvait notre niveau et qu'on était une équipe très forte en laquelle les gens croient.
Vous êtes aussi membres de l'équipe de France. Des Jeux à domicile, c'est un atout ou une pression supplémentaire ?
T : Un peu des deux. Je dirais que c'est un atout dans la mesure où tout le pays est derrière ses sportifs. Il y a de vrais investissements mis en place pour nous soutenir, que ça soit du point de vue du staff ou des infrastructures. Mentalement, ça va aussi nous aider d'être à domicile, d'avoir tout un public derrière nous et de pouvoir inviter nos amis et notre famille aux matchs, même si on a peu de places. Et d'un autre côté, ça met un peu la pression car on veut faire bonne figure et on ne veut pas décevoir.
R : Depuis que l'on sait que les Jeux se tiennent à Paris, on y pense tous les jours. Plus on s'approche de l'échéance, plus les médias commencent à en parler et plus l'engouement commence à monter. Cette électricité dans l'air nous pousse à nous dépasser. Jouer les Jeux à domicile c'est une chance et faire un bon résultat rendrait l'expérience encore plus belle.
L'objectif numéro 1 c'est la médaille ?
T : Oui. C'est l'objectif que l'on vise et on serait vraiment tristes de ne pas l'atteindre chez nous.
R : Une médaille d'or, à la maison, ça serait le Graal.
Comment, à votre niveau, allez-vous préparer cette échéance ?
T : Il n'y aura pas vraiment de préparation spécifique au niveau des entraînements mais cette saison va forcément être spéciale. D'abord parce qu'on doit éviter de se blesser. N'importe quelle blessure peut t'écarter des Jeux donc il faut être très vigilants là dessus. Ensuite on va forcément s'entraîner plus, faire plus attention à notre corps, surveiller notre alimentation, être le plus sérieux possible pour arriver en forme. Mais une victoire aux Jeux ne se joue pas sur l'année qui les précède, c'est plutôt l'aboutissement du travail de toute une carrière.
R : Effectivement, c'est surtout au niveau personnel que les choses vont se jouer. Chacun va être de plus en plus concentré pour arriver au top aux Jeux.
Romain, cette saison a été compliquée pour toi avec de nombreuses blessures. Seras-tu bien rétabli ?
R : En effet, depuis un peu plus d'un an je fais des luxations d'épaule. Cette saison, la fréquence des blessures a augmenté avec de plus en plus de douleurs et j'ai dû me faire opérer début juin 2023. Les médecins m'ont donné entre 3 à 6 mois pour retrouver mon niveau. J'ai raté la préparation estivale et les Championnats du monde de Tokyo et mon éloignement des bassins m'a fait perdre techniquement. L'objectif est de retrouver totalement ma forme et mon niveau pour les Jeux. Je vais tout faire pour y arriver.
Mentalement, avez-vous mis en place des process spécifiques ?
T : En équipe de France, on a une psychologue et un coordinateur qui nous accompagnent pour gérer cet aspect-là. Personnellement je ne travaille pas avec la psychologue mais j'apprécie le système mis en place par le coordinateur. Il a désigné 5 leaders dans l'équipe chargés de remonter régulièrement au capitaine des informations sur l'état d'esprit du groupe, les ressentis de chacun et de faire le relais entre le groupe et l'entraîneur. On se réunit régulièrement pour faire des points et ça a beaucoup renforcé la cohésion de l'équipe.
Avez-vous des champions dont la personnalité vous inspire ?
R : J'aime bien regarder ce que fait Rafael Nadal. La manière dont il arrive motivé dans chaque tournoi, malgré toutes ses victoires précédentes, est inspirante. Il est en mode compétition en permanence. Sans compter son niveau de jeu qui est impressionnant.
T : Moi j'ai toujours beaucoup aimé Teddy Riner. C'est une personne simple et humble alors qu'il a tout gagné pendant des années. Il a toujours réussi à se maintenir au plus haut niveau, malgré la pression des médias. Et j'ai toujours admiré la complicité qu'il avait avec sa famille pendant les compétitions ! J'aime aussi la personnalité du cycliste belge Wout van Aert. C'est un des meilleurs coureurs du monde mais sur le Tour, il va tout faire pour faire gagner son leader et son équipe. Il privilégie le collectif à ses résultats personnels et c'est un sacrifice que je trouve remarquable et inspirant.
Tennis, cyclisme, judo, ces sports sont très médiatisés. Que pensez-vous de la couverture actuelle du water-polo en France ?
R : J'ai l'impression que ces dernières années les choses ont quand même bien avancé. Il y a de plus en plus de matchs retransmis. La couverture de nos actualités est plus importante dans les journaux. Et j'espère que cette médiatisation va devenir encore plus conséquente avec les Jeux si on fait un beau parcours.
T : Quand les gens découvrent le water-polo, en général, ils accrochent tout de suite. C'est un sport impressionnant à regarder, il se passe plein de choses, ça joue vite et les règles ne sont pas plus compliquées à comprendre que les règles du foot ou du rugby. Je connais vraiment plein de gens qui ont pu être réticents à venir voir des matchs et qui sont devenus rapidement de vrais fans ! R : Oui il faut venir voir des matchs et découvrir ce sport si vous ne le connaissez pas encore. En plus, voir les tribunes remplies quand on joue, ça nous booste énormément et ça nous permet de faire de très beaux matchs !
