
Marie WATTEL
l'effet papillon
Pourquoi avoir choisi de t'entraîner au Cercle des Nageurs ?
J'ai toujours su que je ne resterais en Angleterre que le temps d'une olympiade. En ce qui concerne mon choix de venir m'installer à Marseille, je pense que ma rencontre avec Julien Jacquier, mon entraîneur, a été déterminante. Il m'avait déjà coachée en équipe de France et nous nous étions très bien entendus. Ensuite le Cercle s'est imposé pour son expérience : c'est un club qui coache les meilleurs sprinteurs depuis des décennies. J'ai commencé à m'y entraîner juste après le 1er confinement et j'ai beaucoup aimé son approche technique, très différente de ce que j'avais connu en Angleterre. L'esprit de famille qui y règne m'a aussi convaincue que c'était le choix idéal pour aller plus loin.
Qu'entends-tu par une approche technique ?
En Angleterre, j'ai beaucoup travaillé la vitesse mais très peu la technique. Au Cercle j'ai appris à faire beaucoup plus attention à mes sensations dans l'eau. Je suis devenue plus aquatique. Avec Julien, on travaille vraiment le geste. Il a un oeil exceptionnel pour ça. Même sur un mouvement qui dure moins d'une seconde, il est capable de me dire ce qui ne va pas techniquement. Pour moi c'est quelque chose de très nouveau. J'ai toujours nagé naturellement, sans être capable d'expliquer pourquoi je fais un mouvement plutôt qu'un autre. En travaillant avec Julien, j'ai pris conscience de toute la mécanique derrière chaque geste et ça m'a permis de corriger des choses tout en recherchant le geste parfait.
Qu'est-ce-que le geste parfait ?
C'est un geste qui allie force et finesse technique. Je ne sais pas s'il existe vraiment mais en tout cas je travaille dur pour m'en approcher !
Avec Julien Jacquier, vous avez aussi beaucoup travaillé sur l'endurance. Pourquoi ?
En Angleterre tout était axé sur la vitesse. Ça m'a permis de développer beaucoup de puissance et de force. Mais pour passer un cap, Julien a estimé qu'un travail sur l'endurance était nécessaire. J'avais l'habitude de partir très vite et de manquer de vitesse sur les derniers mètres. J'ai appliqué cette tactique aux Championnats du monde à Budapest où j'ai réussi à nager très vite sur les derniers 20 mètres du 100 m papillon. C'est quelque chose de rare et ça a prouvé que la tactique de Julien était payante. Je suis fière d'avoir réussi à intégrer rapidement cette nouvelle compétence.
Avec cette course tu as été sacrée vicechampionne du monde en 2022, 10 ans après ta première sélection en équipe de France. Comment as-tu fait pour ne jamais rien lâcher pendant tout ce temps ?
Il y a des nageurs pour qui les choses arrivent plus rapidement, c'est certain. Pour moi les choses ont pris plus de temps mais je n'ai jamais cessé d'y croire car j'ai toujours eu le sentiment que j'avais une marge de progression. Même après des saisons décevantes, je suis toujours repartie en septembre avec énormément de motivation. Je crois que la clé c'est mon désir permanent de vouloir mieux faire, de me dépasser. Et puis je suis aussi très têtue. Tant que je n'ai pas atteint mes objectifs, pas question d'abandonner !
Quels étaient ces objectifs ?
Mon titre de vice-championne du monde m'a permis de cocher un objectif très important. Aujourd'hui je voudrais pouvoir battre le record du monde sur 100 m papillon et j'aimerais aussi remporter une médaille olympique.
Aux côtés de la technique, le mental tient aussi une grande place. Est-ce que la tête ça s'entraîne comme le corps ?
Oui ! En 2017, suite aux Jeux de Rio qui ne se sont pas bien passés, j'ai commencé à travailler avec un préparateur mental. J'avais besoin de comprendre pourquoi je plafonnais malgré mon potentiel et mon excellente forme physique. Avec Boris Maret, on a réussi à analyser que je gérais mal le stress des grands événements internationaux. J'étais paralysée par l'enjeu et surtout par la pression que je me mettais. J'ai débuté jeune et j'ai tout de suite voulu être la meilleure, sans me rendre compte que je visais trop haut. En décomposant l'objectif final en étapes, j'ai pu aborder ces compétitions plus sereinement. Aujourd'hui, grâce aux différentes techniques que nous avons travaillées, la pression ne m'impacte plus négativement et je performe mieux dans les compétitions internationales.
Concrètement, ça se passe comment ?
Boris Maret utilise beaucoup de techniques issues de la PNL (programmation neuro-linguistique). On a fait notamment tout un travail sur les métaphores. L'idée c'est de rendre une idée complexe moins abstraite en passant par une image. Par exemple, avant de prendre le départ d'une course, je visualise des chaînes en train de s'ouvrir pour me libérer de mon stress. Le but de ce travail ensemble c'est que je puisse contrôler mes peurs paralysantes. Les plus grands champions sont ceux qui ne se mettent pas de barrière mentale.

Quels sont ceux qui t'inspirent au quotidien ?
Laure Manaudou nous a tous inspirés évidemment. Mais mes concurrentes et les jeunes nageurs qui débutent m'inspirent aussi. Aux Championnats du Monde, les performances de Léon Marchand m'ont, par exemple, donné beaucoup d'énergie. J'aime bien aussi lire des interviews, écouter des podcasts ou regarder des documentaires sur des personnalités, sportives ou non, qui ont réussi à accomplir de grandes choses. À ce titre, l'humoriste Florence Foresti m'inspire beaucoup. Il y a énormément de travail derrière ses spectacles. Finalement, le point commun de tous ces gens c'est leur détermination et le fait qu'ils n'ont pas de pensées limitantes. Ils partent avec l'idée qu'en travaillant dur ils peuvent réaliser tous leurs rêves.
On entre dans la dernière ligne droite avant les Jeux de Paris. Des jeux à domicile, c'est une pression supplémentaire ou un atout ?
Je pense que ça peut être un atout. Sur place, je pourrais avoir ma famille, mon équipe et même mon matelas ! Après c'est sûr, on va être très attendus et je ne sais pas comment je vais réagir vis-à-vis du public, les Jeux de Tokyo s'étant déroulés à huis-clos à cause du Covid. Quoi qu'il en soit, j'ai surtout la sensation que plus on approche de l'échéance et moins ça me fait peur. Je sens que, grâce à ma préparation mentale notamment, j'aborde les choses avec plus de recul que par le passé. Avant je ne me pardonnais rien, pour ces Jeux je veux juste donner le meilleur de moi-même.
Tu t'es quand même fixé des objectifs ?
Mon objectif principal est de prendre du plaisir à nager. J'aimerais aussi faire une belle semaine dans sa globalité, nager les 3 finales et participer aux relais. Mon rêve serait d'emporter au moins une médaille olympique.
Est-ce que tout est déjà mis en place pour les atteindre ?
Les Jeux sont clairement mon unique objectif cette année. Il n'y en aura pas d'autres. Avec Julien et avec Boris nous allons tout mettre en place pour que je puisse me qualifier aux Championnats de France qui auront lieu 5 semaines avant. Toute la stratégie n'est pas encore arrêtée mais nous allons travailler dur, c'est certain. Et pour ça, j'espère que toute la famille du Cercle sera derrière moi !
