Dossier

CLÉMENT SECCHI

Ensemble, c'est tout

Qualifié à Chartres pour les JO un mois avant la compétition, Clément Secchi, 24 ans, remporte la médaille de bronze à Paris au relais 4x100m 4 nages. Une consécration pour ce papillonneur du Cercle déterminé, passionné par la natation et animé d’un fort esprit d’équipe.

Tu es actuellement en Corse, en récupération après les JO. Comment tu te sens après cette épreuve ?

Ça faisait trois ans que je n’avais pas coupé plus d’une semaine ! J’ai fini de nager le 3 août et je suis ensuite resté aux Jeux jusqu’à la cérémonie de clôture. J’en ai profité pour participer à des événements médias et regarder d’autres sports, comme le skate, le volley masculin, le basketball ou l’athlétisme... J’ai ensuite filé en Corse en effet, où je me ressource près de la mer. Ça me permet de déconnecter avec le bassin et la compétition. Je me repose mais je pratique tout de même des sports de plage : beach volley, badminton et musculation extérieure. Je crois que je ne tiens pas en place !

Avant de revenir en détail sur la manière dont tu as vécu ces Jeux, peut-on parler de ta découverte de la natation et le parcours qui s’en est suivi ?

J’ai commencé à apprendre à nager en Corse justement, où je viens depuis tout petit, au sud d’Ajaccio. J’ai appris le crawl tout seul ici. Mes parents ont vu que je nageais plutôt bien et m’ont rapidement inscrit à la natation près de chez nous, à Aix-en-Provence. J’ai vite accroché avec la discipline, qui collait bien avec mon côté hyperactif. J’avais de bons copains aussi et m’entendais bien avec mon coach. À 12 ans j’ai donc arrêté le foot que je pratiquais en parallèle jusque-là pour me consacrer uniquement à la natation, au rythme de 6 entraînements par semaine jusqu’à la fin du lycée. Après le Bac, je savais que je voulais partir à l’étranger : c’était une suite logique après ma scolarité dans un lycée international, mais cela tenait aussi au fait que je souhaitais faire de bonnes études tout en continuant le sport. Et malheureusement, les universités françaises proposent moins d’aménagements dans ce sens. J’ai contacté l’Université de McGill à Montréal au Canada qui a un très bon niveau, j’ai tout de suite eu un bon feeling avec le coach donc j’ai décidé de partir là-bas.

Quels nouveaux horizons as-tu découvert à travers ton expérience au Canada, avant d’intégrer le CNM ?

La différence s’est d’abord faite sentir en termes de niveau. Dans mon club aixois, j’étais le meilleur. Une fois arrivé au Canada, je me suis retrouvé avec des nageurs très motivés et surtout plus forts que moi. Comme je déteste perdre, je n’avais pas le choix que de m’améliorer ! Il fallait donner plus, observer, questionner. Au niveau du coaching et de la mentalité aussi, la grande nouveauté était dans l’esprit d’équipe du système compétitif : là-bas, le but n’était plus le chronomètre personnel mais celui de l’Université. On fait la course au nom d’une équipe, les objectifs sont communs. Tout le monde se tire vers le haut, il n’y a pas de jalousie à l'entraînement. En France, c’est davantage « chacun pour sa peau » et c’est très difficile de retrouver cet esprit d’équipe, sauf à Marseille, au CNM justement. C’est pour ça qu’une fois de retour chez moi, en 2020, j’ai demandé à intégrer le club.

À quoi tient alors cet esprit d’équipe au CNM ?

Je pense qu’on le doit beaucoup à Romain Barnier, notre directeur sportif, qui a rapporté ces codes des Etats-Unis, où il a étudié aussi, et à la présence de pas mal d’étrangers qui s'entraînent dans l’équipe. Cela tient aussi à l’histoire du Cercle, grand pourvoyeur de champions, qui donne envie de continuer à faire briller le club. On a l’impression d’une responsabilité de nager bien et vite, pour faire honneur aux grands noms qui sont passés ici avant nous. C’est donc moins anonyme ou individuel.

À l’origine tu te concentrais vraiment sur le 100m et le 200m Papillon en individuel. Comment es-tu finalement arrivé au relais ?

Je fais ma première équipe de France à Budapest en 2022, champion de France du 100m Papillon. Trois mois après, aux Championnats d’Europe, à Rome, je cours le 50m Papillon et le 100m Papillon en individuel et en premier relai, avec lequel on a décroché la médaille d’argent. C'étaient les débuts du relais 4x100m 4 nages pour moi.

Qu’est-ce qui te séduit dans l’idée du relais ?

D’abord la course dure plus longtemps donc c’est plus excitant ! J’aime aussi le fait de travailler en équipe car ça démultiplie la récompense, l’effort, les émotions. Tous mes plus beaux souvenirs en compétition sont des relais, que ce soit au Canada, aux Championnats d’Europe et maintenant aux JO. Donc pour moi faire partie du meilleur relais possible, dans la plus grande compétition internationale, qui plus est dans mon pays, c’était vraiment la consécration de mes ambitions en natation.

Comment s’est déroulée ta préparation aux Jeux ?

La préparation était délicate car un mois avant les JO, nous avions les Championnats de France qualificatifs pour les Jeux, à Chartres. Après ma qualification, il a fallu gérer énormément d’émotions avec un rêve qui se réalise, la pression qui redescend, la nécessité de récupérer physiquement aussi, et en même temps celle de se préparer. On a fait un stage d'entraînement qui s’est néanmoins extrêmement bien passé et j’ai bénéficié d’une séance d’hypnose 4 jours avant les Jeux. C’est d’une grande aide pour la préparation mentale et pour arriver bien détendu.

Comment as-tu vécu ces Jeux historiques ? Dans ton pays, avec un tel public ?

Pour ma part, je ne nageais que le 7e jour de la compétition. Donc je suis d’abord allé voir d’autres nageurs concourir, comme Marie Wattel, qui nage également au Cercle. Et c’était fou de voir l’ambiance dans cette piscine, ces 17 000 personnes qui criaient le nom de Marie et chantaient à l’unisson. C’était très fort, j’avais les larmes aux yeux et j’ai compris à quoi j’allais devoir faire face lorsque ce serait mon tour, à quelle ambiance il fallait que je m’habitue pour ne pas être submergé le jour J. Grâce à ça, j’ai vraiment pu me nourrir de cette communion avec le public, sans être dépassé. Je me suis avancé vers le bassin sans écouteur, pour vivre le moment à fond et profiter de toute cette énergie.

Et une fois dans l’eau, tu t’es senti comment ?

Là c’est automatique, tout se passe très vite ! Je pense à quelques détails techniques, j’entends encore le public qui reste derrière moi, à chaque respiration, et qui aide à chasser toute pensée négative qui pourrait arriver dans les derniers mètres. Leur ferveur nous pousse vraiment à ne rien lâcher.

Finalement après tes séries individuelles, vous remportez la médaille de bronze au relais. Ça fait quoi d'entrer comme ça dans l'histoire de la natation à 24 ans ?

J’ai encore beaucoup de mal à réaliser. Je me revois à 12 ans regarder le relais crawl aux JO de Londres et rêver devant des monuments de l’histoire de la natation française. C’est vrai que remporter aujourd’hui une médaille aux JO de 2024 et vivre ça, c’est fou ! Je ressens donc énormément de fierté et je me sens heureux d’avoir pu apporter de la joie aux Français à travers mon sport. Il y a beaucoup de reconnaissance aussi envers les gens qui m’ont entouré et aidé à en arriver là : ma famille, mes coachs de musculation et de natation, mes coéquipiers d'entraînement, Stanislas Huille et Nicolas Vermorelle, avec qui j’ai travaillé tous les jours de l’année et l’ambiance du Cercle de manière générale. Je suis vraiment très reconnaissant de tout ce qui est mis en place dans le club pour qu’on puisse performer et percer à ce niveau-là.