
FLORENT MANAUDOU
Tout feu, tout flamme
Florent, le 26 juillet tu étais porte-drapeau de la délégation tricolore lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Paris. Que cela signifiait-il pour toi ?
Participer à ces Jeux était un défi personnel. Être porte-drapeau représentait une fierté. Celle d’avoir été choisi par mes pairs car, pour la première fois, les porte-drapeaux étaient élus et non désignés arbitrairement. C'était important pour moi et cela a ajouté une responsabilité supplémentaire. Ce jour-là, rien n’était acquis pour les sportifs français, ni même pour l’organisation de Paris 2024… Quand je regarde en arrière, je me dis : « Quel chemin parcouru pour notre délégation ! »
Tu étais également le premier porteur de la flamme olympique à Marseille, le 8 mai. Raconte-nous les coulisses de cet événement !
Recevoir l’appel de Tony Estanguet pour m’annoncer que je serai le premier relayeur à accueillir la flamme olympique sur le territoire national a été déjà un moment inouï. Le 8 mai j’ai ensuite goûté à un engouement que seul le peuple de Marseille est capable de générer : INÉGALABLE. Porter la flamme dans cette ville qui m’a accueilli il y a 11 ans pour faire l’homme que je suis aujourd’hui fut tout simplement incroyable. Et cela à deux pas du Cercle… Que de symboles ! Mais ne me demandez pas de faire un classement entre toutes les émotions ressenties au cours de ces Jeux, il y en a trop !
Revenons-en à ta participation aux épreuves. Comment as-tu vécu le rapport au public français ? Était-ce un « home advantage » ou une pression supplémentaire ?
Je dirais que ça a été une pression supplémentaire durant la période qui a précédé les Jeux avant de devenir un avantage dès que ces derniers ont commencé. C’est pour cela qu’en accord avec mon staff, nous avons effectué un maximum de stages à l’étranger pour sortir d’un contexte anxiogène et je pense, avec du recul, que nous avons bien fait même si c’était une décision difficile à prendre et à mettre en œuvre.

Il se passe quoi durant ces 21’56 secondes ? Dans le corps et dans la tête ?
Beaucoup et peu de choses à la fois. Je me souviens davantage du claping et de la communion avec le public qui a précédé que de l’enchaînement technique de cette course. L’invité surprise de ces Jeux, c’est vraiment le public incroyable qui nous a poussé à glaner ces résultats historiques. La piscine s’est transformée en stade Maracana un jour de victoire du Brésil… Je n’avais jamais connu une eau aussi…bouillante !
A Paris, cette année, c’était la première fois qu’un sportif remportait une 4ème médaille d'affilée sur un 50m nage libre. Selon toi, à quoi tient la pérennité de ce succès
Répondre à cette question, c’est répondre 4 fois à une équation à plusieurs inconnues. Une finale olympique est une course comme nulle autre pareille. Encore plus sur les courtes distances où la pression s’applique sur un temps très réduit et ne laisse pas la place à l’imprécision technique. Mais je crois que ce « 4 à la suite » n’est pas le fruit d’une « roulette russe » comme j’entends parfois. Chaque finale est un questionnement auquel j’ai tenté de répondre du mieux possible avec l’aide de mon entourage.
Cette nouvelle médaille vient s’ajouter au palmarès du Cercle dont tu es licencié. Quel rapport entretiens-tu avec le club ?
La réponse est dans la question ! C’est mon club. Celui qui m’a donné les armes à chaque fois pour être au rendez-vous. Un club qui a aussi compris mes aspirations et qui m’a laissé avoir des parenthèses (comme celle du handball) ou bien trouver d’autres lieux d’entraînement quand je sentais la routine me gagner. Pour tout cela, le Cercle est mon club et je veux remercier Paul Leccia, son président, et Jean Castelli, président délégué, pour leur écoute à des moments où j’en avais besoin pour garder le lien affectif avec le club.
Comment envisager la suite lorsqu’on est allé aussi loin dans une discipline ?
Je me laisse encore du temps pour décider. Je ne veux pas arrêter mon activité sportive de manière abrupte. J’aime trop l’adrénaline de la compétition. J’ai conscience qu’il faudra que je fasse un jour le deuil de cela. Mais ce n’est pas encore le cas. Alors je reprends l’entraînement en mode « souple » et je vais même me faire 2-3 séances de hand par semaine pour remettre du ludisme dans tout cela. L’objectif cette saison est une belle participation aux Euros qui se dérouleront dans le complexe aquatique olympique de Saint-Denis. J’aime cette idée et j’aime aussi l’idée de profiter de cette période pour transmettre aux plus jeunes. Quelle qu'en soit la manière.
En parlant de transmission, tu es très actif sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram : quels messages veux-tu faire passer ?
Il n’y a pas de message particulier, si ce n’est celui de faire mieux connaître mon quotidien et d’avoir rendez-vous avec mon public car je retire une grande force des nombreux messages de soutien qui passent par ce canal. Si je prends en exemple le débat qui a suivi mes propos « la France n’est pas un pays de sport », j’ai eu un accueil prudent du monde médiatico-politique quand l’ensemble de la filière du sport (amateurs, parents de jeunes, sportifs de haut niveau) me soutenait à 99,99% via les messages privés et commentaires. Dans tous les cas, j’aime me confronter à la réalité, même si c’est parfois violent et j’essaie de ne retenir que les signes de soutien et d’amour. Car ce sont l’amour et la passion qui donnent la force de bouger les choses et de dépasser les – ses – limites !
