
Tendre est le crawl
Colombe Schneck
Vous célébrez le crawl. Pourquoi cette nage ?
Parce qu'il vous force à lâcher prise. Pour bien le nager, il faut éviter les mouvements inutiles et utiliser son énergie au bon moment. En l'occurrence sous l'eau. C'est d'ailleurs quelque chose qui me plaît beaucoup dans le crawl. Que la puissance soit souterraine. L'effort du crawleur ne se voit pas à la surface.
Apprendre à le nager à 50 ans a-t'il été difficile ?
Non. J'ai appris à le nager tout simplement en prenant des cours à la piscine municipale. Je crois qu'apprendre quelque chose, quel que soit son âge est toujours enrichissant et amusant.
Avez-vous découvert des choses sur vous-même ?
J'ai découvert que j'avais la trouille ! Je suis quelqu'un d'ambitieux, d'assez agité, qui a toujours envie d'aller vite. Mais mon corps dans l'eau me montrait autre chose. Mes gestes me freinaient. J'avais peur d'aller trop loin. J'ai dû prendre le temps de rechercher les bons gestes, ceux qui vous permettent réellement d'avancer plus vite. Étant issue d'une famille d'intellectuels, j'ai appris cette intelligence du geste. C'est quelque chose que j'ignorais.
Pensez-vous que le crawl permette de guérir ?
Le crawl m'a permis de guérir mon anxiété. Nager vous oblige à être dans l'instant présent. Ça m'a appris à être présente au monde et pas dans un avenir hypothétique que j'imaginais catastrophique en permanence. Lorsque l'on nage le crawl, on apprend aussi à être à la bonne place. Au début, j'avais tendance, comme beaucoup de femmes, à me restreindre, à avoir peur de prendre trop de place dans la ligne. Le crawl m'a permis de conquérir cette juste place.
Vous dites que devenir une meilleure nageuse vous a permis de devenir une meilleure auteure.
En nageant régulièrement, j'ai appris à être la plus fluide possible. J'ai appris à me débarrasser des gestes inutiles. J'ai ensuite voulu retrouver cette fluidité dans mon écriture. J'aime qu'elle soit très sobre. J'ai éliminé tout mot, toute virgule, toute expression superflus. J'ai eu envie que, comme dans le crawl où chaque geste vous permet d'avancer, chaque mot ait un sens, une utilité dans la phrase. Si ça ne permet pas d'avancer, je supprime.
Vous avez publié un guide des piscines parisiennes et vous testez les piscines de chaque ville dans lesquelles vous vous rendez. Quelle place tient le Cercle dans votre géographie personnelle ?
Le Cercle des nageurs offre les plus belles piscines qui soit en France. Lorsque j'y suis invitée, j'aime observer l'élégance de ces femmes de 80 ans qui nagent tous les jours. Je rêve d'être à leur place plus tard. Et puis j'aime son emplacement, très symbolique. Dans une ville où tout se superpose, le fait qu'un club privé jouxte la plage populaire des Catalans est assez unique en son genre.
